L’ultime outil de la traduction : le « moi » du traducteur

Rima Baraké
Université Libanaise
(Liban)

Résumé

« La traduction consiste à « faire passer » un message d’une langue de départ (langue source) dans une langue d’arrivée (langue cible). »[1] Pour qu’il y ait traduction, il faut avoir des compétences de plusieurs niveaux, dont les plus importants sont la connaissance de la langue source et de la langue cible ; il faut aussi des outils que tout bon traducteur devrait avoir sous la main : les encyclopédies, les dictionnaires, bilingues notamment – qui ne cessent d’évoluer avec l’évolution de la pratique traductologique et du savoir lexicographique –, les outils informatiques de plus en plus performants et spécialisés. Mais l’efficacité de tous ces outils dépend – jusqu’à aujourd’hui – de l’intervention d’un traducteur qui, par son « savoir-traduire », permet à la traduction d’être pleinement valable.

Certains objecteront en disant que les machines sont, de nos jours, capables d’accomplir pareille tâche, mais il semble que dans les limites du savoir humain actuel elles n’atteindraient pas dans un futur proche l’habileté du traducteur-homme puisqu’il y manquerait toujours le « moi » qui pense et qui décide.

En effet, quoi que l’on dise sur la traduction sourcière, la traduction littérale, le mot à mot, le « moi » du traducteur n’est pas banni du processus de traduction puisqu’il y a toujours le choix des équivalents qui dépend entièrement du traducteur et de sa compréhension/interprétation des mots du texte source : « Condamné à être libre, le traducteur est un décideur »[2].

L’acte de traduire ne peut donc en effet être dissociée du travail de la pensée, de l’effort déployé pour comprendre. Et il va sans dire que la compréhension que se fait le traducteur du texte source dépend non seulement de lui en tant qu’individu mais également en tant qu’être vivant à une époque donnée, dans une société donnée.

D’où le sujet de notre intervention :

A travers l’histoire et l’évolution de la traduction et de ses pratiques, l’outil omniprésent était et est toujours le traducteur lui-même, ce « moi » du traducteur non seulement pris en tant que moi d’un individu mais également en tant que « moi » imbibé aussi bien de son époque, des connaissances et de la pensée de son temps que de sa conception du lecteur idéal qu’il s’imagine être le destinataire de sa traduction.

A partir de l’analyse de différentes traductions d’éminents penseurs – traductions faites à des époques proches comme à des époques éloignées -, nous essayerons d’étudier la présence du traducteur et de la pensée de son époque dans ces traductions. Nous aboutirons ainsi à démontrer l’importance de cette présence du « moi » du traducteur, aussi bien dans la traduction “humaine” que dans la traduction automatisée ou semi-automatisée.

[2] Ladmiral, Jean-René (1986), « Sourciers et ciblistes », dans Revues d’esthétiques, 12, Paris : PUF, p. 35

[1] Dubois, Jean & al., Dictionnaire de linguistique, Paris : Larousse, p. 486

Mots-Clés : outils de traduction ; traduction humaine ; traduction automatique ; « moi » du traducteur.